En indonésien, le mot « merci » est généralement suivi d’un allègre et chantant « sama samaaaaa » – « il n’y a pas de quoi ». Entonnée en crescendo, cette formule lyrique et célébratoire conclut la plupart des échanges. En Indonésie, les mots sourient et les gens sourient de tout leur être : Artemano ne peut faire autrement que de rayonner. Notre quête d’inspiration et de nouveaux produits est alimentée tant par notre passion pour l’aventure que par notre penchant pour le bois. Et cette terre mystique de volcans actifs ne déçoit pas. Dans cet archipel de plus de 17 000 îles, le bois est un matériau qui abonde, et il mérite une deuxième vie : Cirebon est reconnu pour son mobilier en rotin, Yogyakarta pour le teck recyclé et le bois des bateaux, Solo pour le bois des voies ferrées, et Semarang pour le bois de suar. L’Indonésie, l’un des pays les plus peuplés du monde, recèle un potentiel énorme en matière de design.
L’Indonésie compte autant de gens que d’arbres, ce qui en fait le lieu idéal pour la découverte de matériaux bruts et de tendances en design. Le périple de 12 878 km pour se rendre en Indonésie est devenu pour nous un exercice routinier où chacune de nos visites est une mission haute en créativité pour trouver du bois d’œuvre exotique, du bois recyclé, des conceptions durables et du mobilier contemporain. L’expertise et la passion des artisans qui confectionnent chaque pièce transparaît dans le grain du bois. Forts d’un savoir-faire transmis de génération en génération et cumulant des années d’expérience, ils ont appris à communier avec le bois et à écouter les histoires que son grain renferme.
En apprendre davantage sur Artemano c’est comme étudier la coupe transversale d’un arbre : c’est retourner dans le passé, un sillon à la fois, afin de connaître le chemin parcouru par l’entreprise avant d’aboutir en Indonésie, un voyage qui ne s’est pas fait sans escales. L’Inde a été notre premier point de contact avec l’Orient. Par la suite, nous avons décidé d’élargir nos horizons et d’explorer la Thaïlande, suivie de l’Indonésie en 2009. C’est à ce moment là que nous avons complètement modifié notre approche du design en laissant le caractère brut du bois décider de son propre design au lieu de le façonner à notre manière. Le bois a parlé et nous l’avons écouté.
En effet, l’Indonésie en a long à dire : son bois récupéré des bateaux et des maisons traditionnelles, ainsi que ses millions de kilomètres de poutres de bois qui appartenaient aux lignes de chemin de fer, enfouies depuis des décennies puis déterrées suite à des travaux de modernisation, ont du vécu. Les pluies de la mousson, la lumière naturelle et le passage du temps ont sculpté le bois, durci son grain et lui ont donné sa rare beauté.
Dans les usines indonésiennes, la bonne humeur abonde davantage que la sciure de bois. Le grain, ses encoches, ses fissures et sa texture que nous aimons tant s’arment de beauté quand on comprend le contexte d’où ils proviennent.
Au même titre que la circulation indonésienne, le style de vie chaotique des Indonésiens est dicté par un certain rythme. L’arôme du frangipanier embaume l’air et la plupart des arbres sont recouverts de fruits. L’humidité est dense et les règles du code routier sont rares. Des familles entières s’accommodent aisément sur un seul scooter et la rage au volant est inexistante. Trop souvent, les haut-parleurs d’une mosquée appellent à la prière au moment où le sommeil paradoxal bat normalement son plein. Et alors qu’un petit bruit nous faisait tendre l’oreille jadis dans la noirceur de la chambre, nous en faisons fi aujourd’hui sachant très bien qu’il s’agit de nul autre qu’un lézard! La culture indonésienne est complexe, fascinante, et il faudrait toute une vie pour la connaître de fond en comble.
Nous continuons notre exploration de Yogyakarta, qui se prononce Jogjakarta ou Jogja, son diminutif. Il s’agit d’une ville d’une grande créativité où les conducteurs de vélos-rickshaws nous interpellent en bordure de route et où les couleurs et les odeurs enivrent. À une courte distance en voiture de Jogja se trouve le temple de Borobudur, le plus grand temple bouddhiste du monde, une construction datant du VIIIe siècle et recouverte de bas-reliefs qui racontent l’histoire de la vie de Bouddha. Non loin de là, se trouve Prambanan, un temple hindou construit au IXe siècle et classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Ces structures imposantes témoignent de l’ancienneté de l’art indonésien, un art intimement lié aux croyances des Indonésiens et qui définit leur mode de vie.
La majorité des gens possèdent très peu de biens matériaux, mais ils détiennent une force d’esprit et une ingéniosité sans pareil. Qu’il s’agisse de faire voler un cerf-volant, de réparer un pneu ou une chaussure, de préparer de la nourriture de rue, ou encore de transporter des quantités impressionnantes d’objets variés sur un même scooter, il est inspirant de voir ce qu’ils peuvent faire avec si peu.
Tout comme une fossette se dessine sur le visage à force de sourire, le grain du bois indonésien révèle un vécu heureux. De tout cœur, merci Indonésie. Quand on passe la main sur le grain de ton bois, on peut presque entendre ton peuple, ta terre et tout ton bois laisser échapper un sama sama collectif!